Adolescence : ce que la série Netflix nous dit sur nos ados

Jamie et son père dans la série Adolescence

La série Adolescence, diffusée sur Netflix, a secoué pas mal de monde. Parents, enseignants, ados eux-mêmes… Tout le monde a eu son petit moment de sidération devant l’histoire de Jamie, ce garçon dont on n’a pas vu venir la culpabilité.

Dans cet article, on ne va pas faire un débrief façon critique ciné. On va plutôt se poser une question simple (et peut-être un peu inconfortable) : qu’est-ce que cette série peut nous apprendre sur nos ados — et sur nous, les adultes qui les entourent ?

Spoiler : beaucoup de choses, en réalité. Sur la communication, l’empathie, les fameuses compétences psychosociales. Et sur ce qu’on peut faire, concrètement, pour éviter d’être aussi pris au dépourvu que les parents de Jamie.

Petit rappel : Qu’est-ce que Adolescence ?

Adolescence raconte l’histoire de Jamie, un adolescent apparemment sans problème, accusé du meurtre brutal d’une camarade de lycée. Très vite, la série révèle un quotidien intérieur bien plus sombre que ce qu’on pourrait imaginer de la vie d’un simple ado : solitude, mal-être, perte de repères, fréquentation de forums incels*… Pourtant, Jamie ne laissait rien paraître en surface – et c’est bien ça qui nous glace le sang. 

*Les incels — ou “célibataires involontaires” sont des hommes qui se définissent comme incapables d’avoir des relations amoureuses ou sexuelles, malgré leur désir. Ils échangent entre eux surtout en ligne, souvent autour de discours marqués par la frustration, le rejet et l’hostilité envers les femmes.

Le grand silence entre parents et ados

Les parents de Jamie sont sous le choc. Littéralement. Parce qu’ils n’avaient aucune idée de ce que leur fils vivait, pensait ou faisait en ligne. Aucun indice sur son mal-être ni sur ses fréquentations numériques. Pourtant, il vivait sous leur toit.

Quand le dialogue entre parents et ados est absent ou trop fragile, il n’est pas rare que les jeunes aillent chercher ce lien ailleurs. Ça peut être sur les réseaux sociaux, ou, dans le cas de Jamie, dans des communautés en ligne qui ne sont pas toujours bienveillantes. Dans Adolescence, on observe ce qu’on appelle un décrochage relationnel : les adultes croient connaître leurs enfants… sans leur parler vraiment.

Alors, comment faire pour éviter ça ? Il existe des gestes simples pour nourrir la relation au quotidien. Cela peut passer par des attentions verbales, comme dire : « Je suis vraiment content·e de te voir aujourd’hui  », ou poser des questions ouvertes qui montrent un véritable intérêt  pour notre ado. Lui demander son avis est également précieux : un simple « et toi, tu en penses quoi ? » peut ouvrir le dialogue.  

Enfin, ce n’est pas parce que c’est nous l’adulte que l’on doit garder la face en permanence : osons parler à nos ados de ce que l’on ressent en tant que parent, avec sincérité : « Je suis un peu perdu·e… J’aimerais qu’on échange plus, mais je ne sais pas toujours comment m’y prendre. Tu pourrais m’aider ? » 

➡️ Au-delà du dialogue, il est aussi important de poser un cadre parental clair. On vous en parlera dans un (très) prochain article.

Écoute active, empathie et attention : les essentiels pour comprendre leur monde

Une scène marquante se joue dans l’épisode 2, lorsque le détective Bascombe interroge son fils, du même âge que Jamie. Ce dernier essaie de lui expliquer ce qui se passe sur Instagram, avec cette histoire de pilule bleue et de pilule rouge… On sent que l’ado a des infos clés. Il sait, lui, ce que Jamie a vu, lu, intégré. Il connaît ce langage codé qu'utilisent les ados entre eux. Mais son père ne l’écoute que d’une oreille. Il ne cesse de lui couper la parole et ne prend pas au sérieux l’impact des réseaux sociaux. Alors que pourtant, la clé de l’affaire se trouve ici. 

À l’inverse, d’une certaine façon, cette affaire offre au père de Jamie l’occasion de restaurer les liens avec son fils. Alors certes, il le fait souvent de manière très maladroite, mais on peut clairement voir ses efforts pour comprendre le monde de son ado : il lui propose un moment en tête à tête, lui demande pardon, se met à sa place en se disant que son collège est vraiment pourri… Bref il fait preuve d’empathie. 

Et c’est précisément cela qui peut nous aider, en tant que parent, à améliorer la qualité du lien avec nos ados, la confiance réciproque et notre capacité à prévenir les comportements à risque. Alors oui, ça demande parfois de se pencher sur des choses qu’on ne comprend pas tout de suite (les trends TikTok, les mèmes codés, les influenceurs et leurs discours). Mais c’est comme apprendre une langue étrangère : au début on rame, et puis on finit par comprendre.

Que se passe-t-il quand les compétences psychosociales manquent ?

La série Adolescence est une bonne démonstration de ce qui peut se passer quand les adolescents grandissent sans avoir développé certaines compétences psychosociales fondamentales (ou CPS).

➡️ Pour celles et ceux qui ont besoin d’un rattrapage sur ce que sont les compétences psychosociales, on va en faire un article dédié très prochainement.

Analysons ensemble quelques exemples parlants : 

  • Dans l’épisode 3, Jamie dit à la psychologue qu’il se trouve "moche", mais voudrait qu’elle le contredise. Cela révèle son incapacité à s’auto-évaluer positivement. Jamie a une estime de lui-même dépendante du regard des autres. Il ne dispose pas de repères internes solides pour reconnaître ses qualités ou son potentiel, et cela le rend profondément vulnérable. 

  • À plusieurs reprises, Jamie oscille entre un comportement apathique comme si tout lui glissait dessus, et des phases de colère qui explosent sans prévenir, et qui sont presque effrayantes. On voit clairement qu’il ne maîtrise pas la conscience de ses émotions, ni leur régulation : il a du mal à gérer le stress, la frustration ou simplement à dire ce qu’il ressent sans user de la violence. 

  • Dans l’épisode 2, le détective Bascombe interroge Alex, le meilleur ami de Jamie. Il lui demande alors s’ils ont l’habitude de parler de leurs émotions entre potes. Ce à quoi Alex répond, plus que surpris “Ben non, jamais”, comme si c’était l’idée la plus étrange qu’on puisse lui suggérer. Là encore, cela montre un déficit en expression émotionnelle, écoute active, et dialogue interpersonnel.

On pourrait dérouler comme ça bien d’autres scènes éloquentes — certaines dans lesquelles les adultes ne brillent pas non plus d’ailleurs. Mais ce qu’il faudrait surtout retenir, c’est que les CPS ne sont pas des “soft skills” qu’on pourrait travailler en bonus, entre deux devoirs de maths. En réalité, ce sont des outils essentiels pour les fondations d’une vie émotionnelle et relationnelle équilibrée. Plus les jeunes les possèdent, plus ils peuvent développer leur résilience, leur capacité à faire face à l’adversité, et mieux ils sont outillés pour demander de l’aide — ou en donner.

En conclusion 

Si vous n’avez pas encore vu la série et que vous avez des ados à la maison, on vous conseille de l’ajouter à votre bucket list. Ce que vous allez y voir ne sera sûrement pas très confortable (des ados seuls, des adultes perdus, des dialogues manqués), mais ça pourrait peut-être vous aider à identifier les moyens à votre disposition pour aider vos ados à grandir dans un monde qui n’est pas simple à décoder — même pour vous.